L'Art Nouveau : le printemps artistique

L’histoire animée de l’Art Nouveau en fait un courant pas comme les autres ; une union des arts délimite son champ ; une propagation internationale a fait son rayonnement ; une inspiration naturelle trace sa lignée : l’Art Nouveau vient bousculer toute règle établie afin de créer une identité propre et marquer son unicité.

Bien que sa durée soit relativement courte pour un mouvement artistique et architectural, l’empreinte de l’Art Nouveau fut immense. Qu’on le perçoive comme une œuvre d’art vivante ou comme un surplus d’ornementation et de décoration, on ne peut nier l’originalité de ses formes ni son influence sur l’histoire de l’art. Il a touché toute l’Europe de la « Belle Epoque » et a établi de nouvelles normes architecturales aussi bien que sociétales. Parti aussi vite qu’il est arrivé, il a pris racines multiformes et libres dans plusieurs domaines pour devenir omniprésent dans la vie quotidienne. Un labyrinthe esthétique à découvrir…

Le mouvement Art Nouveau : l’heure du changement

Pareillement à sa vision, le début du mouvement Art Nouveau n’est point traditionnel. Vers la fin du XIXe siècle, beaucoup de changements surviennent dans la société et dans la façon de vivre. On peut trouver les origines de ce courant dans les années 1870, quand l’architecte français Eugene Emmanuel Viollet-le-Duc inspira une génération de nouveaux architectes par ses théories – notamment dans son livre Entretiens sur l’Architecture – et les propos du critique britannique John Ruskin sur l’union de tous les arts. Le terme « nouveau art » est ainsi apparu la première fois dans le journal artistique belge L’Art Moderne en 1894. En 1895, le marchand d’art Siegfried Bing ouvre sa galerie Maison de L’Art Nouveau à Paris. Elle deviendra rapidement un lieu incontournable de rencontre pour les artistes et architectes de ce nouveau mouvement appelé Art Nouveau. Il durera jusqu’aux années 1910. La ville de Nancy joue aussi un rôle primordial dans le développement de ce courant, particulièrement grâce à Emile Gallé qui fonde L’Ecole de Nancy, pivot incontournable du courant Art Nouveau.

Plutôt que d’établir des théories figées, le mouvement Art Nouveau rassemble des artistes autour d’idées communes de renouvellement et de liberté. A une époque où l’industrialisation est en plein essor, il a voulu combiner le travail d’artisans à celui d’artistes, tout en employant les nouvelles technologies de l’industrialisme au service d’un public large, non-élitiste. Dans l’ambiance des idéologies socialistes de l’époque, il a voulu rendre l’architecture et le design accessible à tous, loin de toute division sociale ou statuaire. Le courant Art Nouveau veut un spectre le plus large possible : de l’architecture aux intérieurs, des meubles aux plus ordinaires objets du quotidien, de l’art graphique aux arts appliqués, de la peinture à la sculpture ; il unifie les arts dits majeurs aux arts mineurs, les artistes aux artisans, la forme à la fonction, et l’industrie à l’art.

Comme son nom l’indique, l’intention du mouvement Art Nouveau est de promouvoir un style neuf, frais, sans emprunter à aucun autre des éléments déjà vus ou s’inscrire dans une continuité quelconque. L’idée est de rompre avec le classicisme obsolète pour instaurer des règles modernes qui parlent le langage de son époque. On attribue de multiples appellations à ce courant : en France, on dit style moderne, style nouille ou encore style métro ; en Belgique, style Horta ou ligne belge ; en Allemagne Judgenstil ou Neustil ; en Autriche Sezessionstil ; aux Pays-Bas Nieuwe Kunst ; en Espagne Arte Joven ou Modernismo ; en Italie Arte Nuova ou Stile Liberty ; en Grande-Bretagne Arts and Crafts ; en Ecosse Glasgow Style ; et aux Etats-Unis Tiffany Style. Pourtant, ces appellations renvoient toutes aux mêmes principes de nouveautés et rupture avec le passé. Le courant Art Nouveau crée une diversité de styles mixtes, adaptés à chaque pays.

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Hector Guimard (Musée des Beaux-Arts de Lyon)
©  Jean-Pierre Dalbéra – (CC BY 2.0)

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Chaise haute d’enfant
©  AE Maire – Les arts décoratifs

Singularité d’apparence et de contenu
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Guéridon sagittaire – Emile Gallé – Nancy, 1900
©  ecoutelebois

L’Art Nouveau propose un nouveau paysage esthétique. Inspiré de la nature, ses motifs naturels sont repris partout : le monde végétal est en pleine floraison de même que des ornements inspirés des insectes et des oiseaux – la faune et la flore. Ces lignes courbées et ondulées comme des plantes, dites lignes « coup de fouet », donnent place à des compositions asymétriques. Elles s’entrelacent une fois de plus pour imiter le corps de la femme, muse inévitable. La femme est idéalisée par des figures élancées et une longue chevelure flottante ; représentations érotisées parfois. L’utilisation des arches est typique et extensive.

Une grande attention est attribuée au détail. Les objets du quotidien qui commençaient à perdre leur valeur avec la production de masse, sont conçus maintenant pour incorporer une dimension esthétique aussi bien que fonctionnelle. Une autre influence clef du mouvement Art Nouveau est celle de l’Orient : le japonisme (entre autres) séduit les artistes occidentaux par ses formes sophistiquées et ses matériaux riches.

Le renouveau décoratif s’accompagne d’un renouveau des matériaux. Les motifs floraux se multiplient sur les meubles, les tissus et les affiches. En architecture, les structures en métal des immeubles deviennent elles-mêmes des œuvres d’art à exposer ; le verre et la céramique se revêtent des couleurs de la nature sur les édifices et les objets ; l’utilisation du béton et des briques s’adapte à cette nouvelle modernité. Le beau est désormais utile, et la forme a une fonction.
En 1900, l’Art Nouveau est mis à l’honneur lors de l’Exposition Universelle de Paris.

Les figures incontournables du mouvement Art Nouveau

Dans les nombreux pays et domaines que le courant Art Nouveau a touché, des noms et créations sont devenus immortels, reconnaissables universellement.  On les contemple au quotidien, à la sortie d’un métro parisien ou lors d’une balade dans les rues de Nancy, Anvers, Vienne, Barcelone, Paris ou New York. Leurs auteurs ne se sont pas réduits à exercer une seule activité mais quelques œuvres sont plus réputées que d’autres.

L’art Nouveau dans l’architecture et le design

L’Eglise Saint Leopold (1905) d’Otto Wagner (1841-1918) ou le Palais de la Sécession (1897) de Joseph Maria Olbrich (1867-1908) à Vienne, la Sagrada Familia (1882) ou le Parc Guell (1900) de Antoni Gaudi (1852-1926), la Maison Horta (1898) de Victor Horta (1861-1947), l’immeuble Bayard (1887) de Louis Sullivan (1856-1924), le Fauteuil (1898) de Louis Majorelle (1859-1926) ou le bureau Schreibtisch (1898) de Henri Van De Velde (1863-1957) sont des créations fantastiques, devenues presque mythiques. Quant à Hector Guimard (1867-1942), il reste le maitre de l’Art Nouveau au point que le mouvement fut appelé « style métro » d’après son ultime design des entrées de métros parisiens.

 

L’art Nouveau dans le graphisme

L’anglais William Morris (1834-1896) est connu pour ses papiers peints et ses textiles et Aubrey Beardsley (1872-1898) pour ses illustrations provocantes. En France, Eugene Grasset (1845-1917) est le pionnier de la création d’affiches ; d’ailleurs c’est lui qui a décoré le fameux cabaret parisien Le Chat Noir en 1885. Ou encore Henri de Toulouse Lautrec (1864-1901) qui produit une sérié d’affiches pour le Moulin Rouge. On ne peut oublier Alfons Mucha (1860-1939) qui a lancé sa carrière et s’est fait reconnaitre par son poster Gismonda (1894).

L’art Nouveau dans la peinture, la verrerie et la sculpture

Le Baiser (1907) de Gustav Klimt (1862-1918) reste à jamais une icône adorée ; les sculptures de Louis Comfort Tiffany (1848-1933) ou d’Emile Gallé (1846-1904) comme La main aux algues et aux coquillages (1904) sont des référents ; la verrerie et les cristaux de Jean Louis Auguste Daum (1825-1885) qui demeurent des chefs-d’œuvre ; sans oublier les bijoux éternels de René Lalique (1860-1945).

Art Nouveau

Sagrada Família
© Bert Kaufmann – (CC BY-NC 2.0)

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Les entrées du metro parisien par Hector Guimard

Avec l’arrivée de la première guerre mondiale, et combattant ses nombreuses contradictions internes, l’Art Nouveau s’éteint rapidement. Proposant une nouvelle esthétique qui a rompu avec le passé et abolissant les frontières entre les arts, ce courant a pu affirmer son brio et sa créativité. Son style intrépide qui célèbre la beauté de la vie et de la nature, et le génie des artistes laisse  place à de nouveaux styles et courants.

Photo de couverture : Musée Bowes à Barnard Castle dans le comté de Durham © Billy Wilson

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